Mass Hysteria El Mediator 14 mars 2019
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En marge
Mass Hysteria au Mediator (Perpignan)
En marge d’une semaine bien chargée, on retrouve les amis autour d’une petite bière et la communauté métal perpignanaise, ces visages connus sans pouvoir mettre un nom dessus qui sont mêlés au souvenir d’autres soirées, d’autres pits*, d’autres petites salles : c’est jeudi soir, comme se plaît à nous le rappeler Mouss* avec ébahissement – feint ou non, peu importe – devant notre énergie et notre présence.
Le son est propre, le set* maîtrisé, et le discours aussi, esprit punk et marginal à base de colère sociale et de « gilets jaunes » souvent cités même si peu d’entre nous probablement l’ont revêtu – car la colère sociale on peut la comprendre et la chanter ici tout en restant en marge de ses manifestations les plus radicales. D’ailleurs le métalleux n’est pas en marge de la société, il est souvent fort intégré et fort classe moyenne et vous découvririez souvent derrière son t-shirt noir au motif effrayant et sa longue tignasse indisciplinée le prof d’histoire de votre fille, votre kiné ou l’informaticien de la boîte, dixit quelque sociologue du métal.
Ce soir il n’y a pas que du métalleux pur et dur dans la salle car Mass Hysteria est autre qu’un groupe à la marge, c’est le chantre du nu-metal* français qui a déjà vingt-cinq ans de carrière. Quand arrive « Furia », Mouss annonce que le morceau mythique est né en 1999, au siècle dernier, et le nouveau bassiste du groupe fait signe avec ses doigts qu’il avait alors onze ans – moi dix – eh bien ça n’empêche pas le guitariste Yann d’être ultra badass sculpté et taillé en V, c’est surnaturel qu’il ait au moins quarante-cinq ans ce type-là. Qu’importe, le pit* s’accorde une pause de mosh* au profit de jumps* comme à l’époque, c’est électrisant, galvanisant, une salle – même pas tout à fait pleine – qui bondit à l’unisson sur l’injonction « dans le cerveau, dans le cerveau, on met le feu, on met le feu dans le cerveau ! ».
C’est un autre trait qui fait que Mass Hysteria se détache, accessible à tout amateur curieux de rock, punk ou chanson à texte engagée : beaucoup de paroles sont en français, et certaines sont très bien écrites. Le style de chant de Mouss, humble, souvent plus parlé que chanté, rend ces textes distincts et audibles, même ce soir en live au milieu d’un public enthousiaste. Extrait de cette poésie marginale : « L'abîme ne fait pas le « moi » / Stupides martyrs, ridicules de surcroît / L'habit ne fait pas le moine / Soldat de Dieu, soldat de Dieu ou pas. // Si l'enfer des Dieux c'est leur amour des hommes / L'enfer des hommes c'est leur amour des Dieux. » Ô combien d’actualité, la veille de la tuerie des mosquées néo-zélandaises revendiquée par un soi-disant soldat de Dieu suprémaciste blanc. La folie des Hommes résonne à chaque ligne qu’exécute Mass Hysteria du haut de son expérience assumée, mais il sait nous proposer « la joie comme vengeance », alternative.
Ce soir – résolution de vieux trentenaires surmenés – on reste en marge du pit*, mais juste à côté, là où l’on réceptionne régulièrement les reliquats éjectés du vortex et qu’on renvoie sans ménagement. On reste en marge pour pouvoir headbanger* plus que de raison, se mettre les cervicales « en charpie » (« Ça va... aller !? »), on reste en marge jusqu’à ce que, « Est ce que vous êtes prêts pour un Wall of Death* ? », on ne puisse pas résister à l’appel et on se jette au milieu des autres, et vers les autres.
« N'oublions jamais que nous faisons partie / De ceux qui bouffent la vie / Vae Soli ! »
*Lexique pour Maman :
- Mouss : Moustapha « Mouss » Kelaï, le chanteur de Mass Hysteria.
- set : le concert et son déroulement.
- "neo" ou neo-metal, ou encore nu-metal : Sous-genre du métal né d'une fusion avec le hip-hop et le grunge.
- mosh pit (mosher, mosheu.r.se) : proche du pogo, « danse » musclée qui se forme dans un cercle à quelques mètres de la scène, où les participants se jettent épaules et bras en avant, les uns contre les autres.
- jump, jumper : de l’anglais « to jump », sauter. Sauter sur place, en rythme, lors d’un concert.
- headbang, headbanger : secouer la tête (et les cheveux) de haut en bas et/ou en cercle devant soi, en écoutant du métal.