Femmes de métal

Battle Beast à Toulouse

Battle Beast à Toulouse

Femmes de métal

Une rétrospective live du printemps 2019

 

            De fin avril à début juin, concerts et festivals se sont enchaînés pour moi et, sensible à la présence croissante de métalleuses parmi les métalleux, j’emprunte à Ariane ce fil fémini(n)(ste) pour déambuler dans ma chronique.

            Par une fraîche soirée de fin avril, mon homme et moi, nous nous rendons pleins d’attentes au Connexion Live de Toulouse pour voir pour la première fois l’un de nos groupes favoris, Battle Beast. Certes, ce n’est pas un métal technique, leurs mélodies sont d’une facilité assumée et leur dernier album est un décevant tissu de ballades sirupeuses, mais Battle Beast – tout est dans le nom – c’est le groupe que l’on écoute pour se donner de l’énergie, la rage de vaincre ou de tout envoyer promener, c’est le groupe sur lequel on chante à tue-tête à l’unisson avec la puissantissime vocaliste Noora Louhimo, le groupe finlandais dans toute sa splendeur, Odin, sceptres, costumes et chorégraphies kitsch, batteur sexy à se damner.

            Je remarque tout de suite que le public de cette conviviale salle, environ cent-cinquante personnes, est plus mixte que pour d’autres styles de métal, et j’irais même jusqu’à dire : moins genré. Autour de moi, j’aperçois un homme en chaussures compensées et legging, un être androgyne aux yeux charbonneux, un couple de filles. Quand la puissante Noora fait son entrée, je me souviens d’ailleurs du clip de « Madness » qui n’est pas sans suggérer un jeu de séduction mutuel entre elle et de jolies femmes. Sa performance sur scène est magistrale. Le coffre de sa voix, qui émane d’un corps en rondeurs assumées, ferait pâlir les mâles vocalistes les plus rauques – comme il éclipse le vibrato plus féminin du chanteur des sympathiques Arion, première partie de la soirée. Les tenues de scène de la « Bête de Combat »**, baroques, à cornes, dévoilant le haut de sa cuisse ou la couvrant telle une reine du nord, sont photogéniques.         

            Le lendemain, c’est une autre femme géniale que je retrouve, mon alter ego, mon miroir : ma sœur – pour le Warm Up du Hellfest à Limoges. Nous immortalisons notre inséparable duo dans l’objectif du photographe officiel de la tournée. Alors oui, le public limougeaud ce dimanche soir est bien frais, dommage, mais heureusement, il y a des nanas ! celle de Volker, Jen Nyx, à la voix peu maîtrisée et à la gestuelle excessive mais qui au moins, se donne à fond pour réveiller les foules ; celle que Jen invite sur l’un des morceaux, une jeune femme au look garçonne qui, elle, maîtrise le growl* le plus profond, pour un duo de voix saturées réussi ; puis, la bassiste des Princesses Leya, qui malgré leur nom ne comptent qu’une femme, une blondinette qui a le rôle de la fiancée du guitariste tantôt niaise, tantôt autoritaire, dans des sketches humoristiques qui émaillent la prestation du groupe. Moi, dans le pit* ou nous ne sommes qu’une vingtaine à mosher*, je suis la seule femme et pour la première fois, un camarade m’offre une bière de combat, d’égal à égale, rien de plus, il ne s’attarde pas et ne me demande même pas mon nom : elle a beaucoup de saveur, cette bière.

            Quelques semaines passent et j’ai la chance d’assister au samedi du Metal Culture(s) de Guéret pour la troisième année consécutive. J’y retrouve Amandine, rédac cheffe du webzine Culture Metal (http://culturemetal.com) pour lequel j’écris occasionnellement, talentueuse photographe et connaisseuse hors pair de mon genre de prédilection. Cela fait un an qu’elle m’a abordée en ce même lieu et convaincue de rejoindre l’équipe du webzine dont une partie est présente ce soir, Ludo, Daphné, Paul, troupe amicale… Il y a des femmes sur scène, pas sur les groupes qui m’ont séduite le plus – Rise of the Northstar, une claque monumentale où j’enchaîne une fois de plus moshs*, circles* et walls of death* au milieu d’une horde galvanisée – mais avec le son inédit de la viole de gambe électronisée de Justine Ribière (Machinalis Tarantulae), les expérimentations vocales (qui m’ont perdue, je l’avoue) d’Olane et les porteuses de drapeaux de l’incroyable groupe gothique médiéval Rosa Crux.

            Et puis, au centre du labyrinthe, la raison d’être de cette chronique, c’est ce soir du 31 mai où je roule vers Montpellier à la rencontre d’Aephanemer, groupe que j’ai chroniqué avec bonheur (à lire ici), groupe à la parité parfaite deux femmes, deux hommes, Aephanemer sur scène, qui m’emporte sur les ailes de son death métal mélodique* épique, technique, romantique, et ce malgré le tout petit et clairsemé public qui ne peut leur rendre justice ; mais aussi Aephanemer hors scène, l’humilité chaleureuse de chacun de ses membres, et plus particulièrement sa vocaliste, Marion, rencontre inspirante et d’une touchante évidence. C’est une femme aux deux voix, l’une toute en retenue, un léger accent du Sud, un peu suave, lorsqu’elle parle ; l’autre, chant saturé, asexué, souffle aux longues exhalations, intemporel, prophétique. Ajoutez-y une autre belle rencontre, avec une métalleuse esseulée, récemment revenue à cette musique, avec qui la conversation sur nos points communs et différences ne tarit pas, vous comprendrez qu’Ariane sait ce qu’elle fait, quand elle me mène, les soirs de printemps.

Volker & guest

Volker & guest

*Lexique pour Maman :

- growl : chant saturé et guttural grave utilisé dans le métal (death notamment).

- pit : en anglais, fosse. Désigne la partie du concert où le public est debout en face de la scène, et souvent, plus précisément, la zone proche de la scène où ont lieu les mosh pits et autres circle pits.

- mosher, mosh (pit) : proche du pogo, « danse » musclée qui se forme dans un cercle à quelques mètres de la scène, où les participants se jettent épaules et bras en avant, les uns contre les autres.

- circle (pit) : sorte de ronde effrénée où l’on court en cercle en se poussant légèrement, souvent dans la même zone que le mosh pit, parfois dans une zone plus étendue du public d’un concert.

- wall of death : pratique qui consiste à séparer la foule en deux pendant un concert, puis, sur un signal, les deux côtés courent l’un vers l’autre, vers un impact qui se termine généralement en mosh pit.

- death mélodique : sous-genre né en Scandinavie, dérivé du death metal, qui en conserve le chant saturé grave et la brutalité mais l’adoucit, comme son nom l’indique, par des mélodies très audibles, voire accrocheuses.

Avec le groupe Aephanemer

Avec le groupe Aephanemer

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