Beauté païenne - Abinaya

Artwork* de l'album

Artwork* de l'album

            Comme c’est mon blog et que je fais un peu ce que je veux, une fois de plus je vais chroniquer un album qui est paru il y a déjà trois bonnes années. Mais si je viens de le découvrir, il est légitime d’en parler maintenant, non ?

            Je ne connaissais pas plus le groupe en question d’ailleurs, nommé Abinaya, un nom d’origine indienne. L’album, « Beauté païenne » (2014) s’ouvre sur le titre éponyme, dont l’intitulé me plaît d’emblée parce qu’il évoque une célébration de la nature, ou de la femme, ou de croyances antérieures aux grandes religions, ou de tout cela à la fois. On y entend à la première note un chant ou une psalmodie tribale, presqu’aussitôt accompagnée d’une batterie puissante. Quelques instants plus tard, on a la surprise et le plaisir d’être entraîné par une percussion de type djembé, et enfin le chant, éraillé et rauque, survient, et il est en français exclusivement, une nouvelle bonne surprise. Voilà qui donne le ton de l’opus, composé de huit morceaux, tous majoritairement dans cette langue, aux paroles bien distinctes.

            Ce premier titre n’est pas celui qui me « happe » le plus. C’est le deuxième de l’album, « Arawaks », qui va m’envoûter. Tout est là ; un rythme puissant, lancinant, qui rappelle les Indiens (d’Amérique, cette fois) dont il est question, et des paroles engagées contre la colonisation et l’esclavage que leur ont fait subir les Occidentaux : « Dieu après dieu / Ils ont éteint vos feux / Pour planter les épieux / De leur croix sur les montagnes ! » Les mots sont simples et efficaces : le « feu » élémentaire évoque aussitôt les rites amérindiens et leur attachement à la Terre, tandis que l’alliance de mots les « épieux de leur croix » dénonce la violence de l’évangélisation. C’est sur ce morceau que j’ai vraiment découvert la « frappe sèche, puissante » (c’est lui qui le dit) du sympathique batteur Nicolas Vieilhomme ; un batteur un peu particulier auquel France 5 a consacré un sujet de « À vous de voir », si vous êtes curieux d’en savoir plus…

            Pour la suite, « Haine » tend (trop pour moi) vers le punk, tout en gardant l’ADN musical du groupe. En quatrième place, la musicalité de « L’épitaphe » est très séduisante et n’est pas troublée par le chant quasi-parlé, comme un poème, des couplets. Le passage où la phrase « L’amour est mort » se répète, est déchirant. La composition est complexe, façon prog*. Magnifique épitaphe. Le cinquième titre, « Nord-sud », commence par un mélange très réussi de percussion et de metal « classique » : on pense à Sepultura sur « Roots » bien sûr (« Roots Bloody Roots », « Ratamahatta »), ce que confirme la voix brute et quasi gutturale du chanteur Igor Achard sur ce titre.

            Abinaya nous offre ensuite une ballade, « Le noir soleil », et ils ont le talent pour se le permettre. Une ballade metal en français, il y en a peu. Ici, la voix du vocaliste est chaude et l’ensemble a un certain groove*. La mélopée, cette fois-ci, est simple et répétitive. Je ne suis pas toujours convaincue par les paroles un peu « forcées » des couplets, mais le mélange avec l’anglais dans le refrain me donne la chair de poule. Le septième morceau, « Almées », dont le nom désigne des danseuses de l’Egypte antique, commence un peu comme un morceau de System of a Down. La suite en revanche manque un peu de peps pour moi, mais j’apprécie les passages orientalisants d’une voix féminine scandée par les percussions.

            L’album se clôt sur un morceau dont l’intitulé, naturellement (déformation professionnelle…), m’attire l’œil depuis le début de mon écoute, car il est dédié « A Jules Vallès ». Il y est en effet question de « L’Insurgé » de la Commune de Paris, pour mon plus grand plaisir – et des combats d’aujourd’hui où rien n’a vraiment changé.

            Pour résumer, Abinaya est une belle découverte française, originale, authentique et éminemment roots*, que je vais suivre de près. Leur « Beauté païenne » tour à tour me happe ou au contraire s’avère difficile d’accès, et je pense qu’il me faudra encore plusieurs écoutes pour l’apprécier pleinement.

*Lexique pour Maman :

artwork : Création artistique illustrant un album.

prog, ou progressif : Sous-genre du metal qui pousse à l’extrême la complexité rythmique et l’expérimentation technique.

groove : Equilibre rythmique, sensation de plénitude (jazz).

roots : (littéralement « racines ») Proche de ses racines, originel.

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