Concert Tagada Jones + Ultra Vomit

Tagada Jones + Ultra Vomit

Live à El Mediator, Perpignan

 

            Premier concert dans mon nouveau département de résidence : la salle se nomme El Mediator, ce qui évoque parfaitement l’alliance de la Catalogne et du Rock n’roll ! Ce soir, un tandem de groupes a priori incompatibles, mais qui semblent bien s’entendre, se partage la scène : les punks anars engagés de Tagada Jones (que je n’ai pas pu approcher lors du dernier Hellfest pour cause d’affluence) et les burlesques parodiques metalleux d’Ultra Vomit (que j’ai déjà vus au sus-mentionné Hellfest 😊).

            Avec mon cousin qui m’accompagne, une fois délestés de nos hardes au vestiaire pour s’assurer toute liberté de mouvement, nous entrons parmi les premiers et nous plaçons à un mètre de la scène. Devant nous, une ou deux personnes tout au plus : quelques metalleux assez rembourrés et trop gentils qui me serviront d’amortisseur un nombre incalculable de fois durant la soirée ! Mon cousin et moi sommes bien du même avis : pour ce genre de concert, il faut être là où ça bouge, là où ça vit !

            Je suis donc aux premières loges pour profiter de Tagada Jones et son chanteur plutôt sexy, yeux bleus, bras recouverts de tatouages, visage un peu buriné mais pas trop. Le premier titre à peine entamé, la fosse s’enflamme déjà. Avec Tagada Jones, on sait pourquoi on jumpe*, pourquoi on se rentre dedans et pourquoi on gueule, car Niko nous y invite à chaque fois de sa voix éraillée : contre le racisme, la connerie, les attentats (« Vendredi 13 », qui commence par une oppressante mitraille à la batterie), ou pour se souvenir de Charlie (« Je suis démocratie »)…

            Les riffs sont simples, les refrains répétitifs, mais au bout d’une heure trente, bousculés, essoufflés, trempés de sueur et assoiffés, on a l’impression d’avoir mis quelques mots sur les maux de la société.           

Tagada Jones

Tagada Jones

Après l’entracte, changement d’état d’esprit, de style musical et de posture « artistique » avec Ultra Vomit : le nom du groupe, le décor façon cartoons avec un trampoline reconverti en écran qui affiche « Mesdames et Messieurs veuillez patienter / Le groupe procède actuellement à l’accordage de ses instruments… » sur fond de musique de salle d’attente, les musiciens qui viennent eux-mêmes faire la balance en lunettes noires et survêtement marqué « Roadie »*… rien ne doit être pris au sérieux !

            De toute façon, qui connaît le moindre de leurs titres a compris qu’Ultra Vomit, c’est l’exact opposé de Tagada Jones en termes d’engagement ; les paroles sont absurdes, composées d’expressions toutes faites (« Boulangerie pâtisserie », « Les bonnes manières »), de reprises improbables (« I like to vomit », « Calojira »), ou bien de jeux de mots qui tournent souvent autour du domaine scatologique… Mais Ultra Vomit, ce sont aussi de vrais bons musiciens de metal, et de ce côté-là, on ne se fiche pas de vous et de vos oreilles.

            Dans les nombreux intermèdes comiques, la fausse vanité surjouée, drôle au départ, finit parfois par être pesante, surtout lorsqu’il s’agit de traiter tous en chœur de « Pov’ connard » un grand nounours baraqué, volontaire pour monter sur scène : je sais bien que c’est du second degré, mais je ne peux m’empêcher d’être un peu mal à l’aise. De même lorsque l’on fait un vrai-faux hommage à Johnny, alors que je pensais sérieusement pouvoir échapper à ça en venant à un concert de metal…

            Certes, ces sketchs un peu longs s’expliquent par la brièveté des chansons, qui finissent toujours après une ou deux minutes sans demander leur reste, ce qui fait le charme du groupe. Ils se marrent, ils sont survoltés et souriants : on ne peut pas leur enlever ça. Du côté du pit*, c’est toujours aussi communicatif : « La Chenille » en version musclée, le « Wall of chiasse »* qui « mélange le pipi et le caca » (on vous avait dit que c’était pas très fin ?), le ténébreux « Mountains of Maths » où chacun se venge des cours qu’il a détestés : tout est bon pour mosher* allègrement. On termine sur le très attendu « Kammthaar », parodie très bien vue de Rammstein, et oui, même si par ailleurs j’adore ce groupe allemand, j’ai épinglé côte à côte leur badge et celui d’Ultra Vomit acheté ce soir, pour le clin d’œil.

            Pour finir, il est indispensable de mentionner les innombrables slammeurs* de la soirée : dans cette petite salle, un spectateur peut monter sur scène à sa guise, les musiciens le laissent faire et après quelques secondes d’hébétude, il finit invariablement par faire la même chose : se jeter dans la foule. Certains, confiants, au troisième ou quatrième tour, ne prennent même pas la peine de vérifier qu’il y a bien quelqu’un en dessous pour les rattraper, et les bons Samaritains sont obligés de se jeter à leur secours pour éviter qu’ils ne s’écrasent au sol… Mais dans un concert de metal, il y a toujours quelqu’un pour vous relever quand vous tombez 😊 Après trois heures trente de concert (on ne s’est pas fichu de nous), je me sens comme un poisson dans l’eau au milieu de ce public catalan avec qui j’ai discuté, ri et souri ; des bleus plein les bras, une soif inextinguible, les cheveux emmêlés, je suis encore (et toujours)… en vie !

           

 

* Lexique pour maman :

. jumper : de l'anglais "to jump", sauter. Sauter sur place, en rythme, lors d'un concert.

. roadie : de « road », la route en anglais. Membre de l’équipe technique qui suit un groupe sur ses tournées.

. pit : en anglais, fosse. Désigne la partie du concert où le public est debout en face de la scène, et souvent, plus précisément, la zone proche de la scène où ont lieu les mosh pits et autres circle pits.

. « wall of chiasse » fait « subtilement » référence au wall of death : pratique qui consiste à séparer la foule en deux pendant un concert, puis, sur un signal, les deux côtés courent l’un vers l’autre, vers un impact qui se termine généralement en mosh pit.

. mosher, ou faire un mosh pit : proche du pogo, « danse » musclée qui se forme dans un cercle à quelques mètres de la scène, où les participants se jettent épaules et avant-bras en avant, les uns contre les autres.

. slammeur, slammer : Pratique qui consiste à se faire porter par la foule, allongé. Peut commencer par un saut depuis la scène, ou à l’inverse partir du fond pour aller vers la scène.

Ultra Vomit

Ultra Vomit

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