Rhapsody au Razzmatazz (avec Beast in Black)

Rhapsody au Razzmatazz (avec Beast in Black)

Rhapsody (20th anniversary farewell tour) avec Beast in Black

            Razzmatazz, le 18 mars dernier. Cela fait des mois que je guette la programmation alléchante de ce lieu barcelonais au nom sympathique, pour saisir enfin l’occasion d’aller me frotter au public métalleux espagnol (pardon, catalan !), à tout juste deux heures de chez moi. Miracle ! Si la tournée d’adieu du géant Rhapsody était depuis longtemps « sold out »* en France, il reste des places au Razzmatazz à deux jours de l’événement.

            Vingt ans. Voilà vingt ans que les Italiens déroulent leurs épopées endiablées depuis Symphony of the Enchanted Lands, qu’ils joueront massivement ce soir. Le line-up* des années 2000 est reformé pour l’occasion, et même si l’on n’ose croire que ce « farewell »* sera bien le seul, il faut être là, au cas où ce serait vraiment la dernière fois… Il y aura donc les Français Dominique Leurquin et Patrice Guers à la guitare et à la basse, l’Allemand Alex Holzwarth à la batterie, et les légendaires Italiens Fabio Lione, au chant, et Luca Turilli, à la guitare – l’âme du groupe.

            La première partie n’est pas sans attraits non plus : il s’agit de Beast in Black, groupe « dissident » de Battle Beast que j’adore et dont il ne s’est quasiment pas démarqué, tout aussi cosmopolite que le premier (finlando-greco-hongrois). Un heavy* kitsch et entraînant à souhait.

            Lorsque nous arrivons sur place, constatant sans surprise et à notre grande joie que la famille des métalleux locaux diffère peu de sa version française, un premier groupe est déjà sur scène, « Scarlett Aura ». La musique n’est pas exceptionnelle mais il faut reconnaître que la chanteuse a de la voix et de l’énergie à revendre.

            Le show de Beast in Black commence alors. Si la voix de Yannis Papadopoulos est étrange en studio, androgyne et ressemblant de manière troublante à celle de la vocaliste musclée de Battle Beast, en live elle semble carrément extraterrestre ! C’est l’impression qui me frappe dès le premier titre, éponyme du groupe. D’ailleurs, le combo fait globalement preuve d’une étrangeté un peu surfaite mais séduisante : les tenues font revivre simili-cuir et pattes d’éph’, le headbanging* des trois guitares est chorégraphié, ce qui provoque un effet complètement artificiel, limite ringard, mais tellement communicatif ! D’une manière générale, on n’apprécie ce groupe que si l’on adhère à la nostalgie des années 80 que leur musique comme leur scénographie mettent en pratique. Sur « Crazy, mad, insane », les guitaristes et bassiste se voient même affublés d’une paire de lunettes noires où défile un message lumineux, à chacun l’un des trois mots qui composent le titre de la chanson. Les hymnes sont efficaces, le son est heavy*, sauf sur certains passages plus électro (j’aurais envie de dire : disco), auxquels j’adhère moins.

            Arrive le temps de Rhapsody. Ils sont là, en chair et en os, même le mythique Luca Turilli, ce créateur, passionné de musique classique et d’Histoire, qui transforme tous les groupes qu’il touche en références du métal power et symphonique – je donnerais cher pour faire une interview de ce type-là. Sur scène, plutôt bien conservé, on dirait que sa guitare est un jouet entre ses mains. Il reste discret ceci dit, quelque peu éclipsé par le magnétique Fabio Lione, ténor à la carrure imposante, très bavard et polyglotte : après avoir essayé l’anglais, que les Espagnols maîtrisent aussi mal que nous, il improvise un savant mélange d’italien et de castillan, tout à fait audible, et la salle le suit, tantôt fascinée, tantôt amusée.

            La setlist* démarre fort, avec un « Dawn of Victory » qui fait lever tous les poings et chanter le refrain à tue-tête... Les titres qui s’enchaînent sont tous plus mythiques les uns que les autres : vingt ans, et même vingt-et-un, d’albums aux artworks* dignes des ouvrages de Tolkien, vingt ans de bandes sons idéales pour des parties de « Donjons et Dragons », vingt ans de serments d’allégeance enflammés à des rois valeureux, vingt ans de batailles arthuriennes et d’heroic fantasy cavalant sur des chœurs, des solos de guitare malicieux et la voix pleine et puissante du vocaliste de formation classique… Le public est d’ailleurs en grande majorité masculin et trentenaire ; au milieu des habituels Iron Maiden et des attendus Beast in Black ou Rhapsody (of Fire), je repère quelques t-shirts du Hellfest et l’un de nos voisins nous parle en français.

            Le spettacolo est parfaitement équilibré, sans faux pas. C’est leur tournée d’adieu, et nous sommes à l’avant-dernière date, alors ils se font plaisir. Chaque musicien aura son moment solo dans la soirée – et je dois dire que celui du batteur m’a complètement scotchée… comment peut-on enchaîner autant de doubles pédales à un tempo aussi élevé, tout en intégrant, en parallèle, un rythme connu ? Il y a aussi le moment surprenant où Fabio fait monter sur scène un spectateur qui – c’était prévu – fait sa demande en mariage à sa bien-aimée. La métalleuse – elle a dit oui ! – vient rejoindre tout ce petit monde sur scène et se jette dans les bras de Luca Turilli (who else ?!).

            L’hommage émouvant au grand Christopher Lee, qui a prêté sa voix à plusieurs projets du groupe, est un temps autrement plus marquant. Fabio salue sa culture, sa capacité à parler neuf langues, sa carrière exceptionnelle, et la chanson suivante commence les yeux rivés au ciel. À un moment, le chanteur se lance même dans un « Con te partiró » d’Andrea Bocelli (carrément ! mais après tout c’est lui le maestro !), c’est beau, et autour de moi de gros durs barbus pleurent de vraies larmes...

            Luca se fend tout de même d’un petit discours, dans un anglais teinté d’un fort accent, où il rappelle les messages que véhicule sa musique : le respect, la paix, l’amour. Que ceux qui ignorent tout du monde du métal n’en soient pas surpris ! ce sont des valeurs largement partagées, ici.

            Alors que les titres qui s’enchaînent ont tous un petit goût d’adieu, je savoure plus que jamais « The Wizard’s Last Rhymes », une reprise à la Rhapsody de la Symphonie du Nouveau monde de Dvorak. Magistral ! Les deux mondes se marient à la perfection, c’est une évidence.

            Enfin, après plusieurs rappels, un métalleux en cape, aux longs cheveux, brandit son épée incrustée de pierres sur l’ultime morceau, « Emerald Sword » - du plus bel effet. Rhapsody signe, par cette tournée, la dernière page de sa propre épopée – et entre dans l’Histoire du métal.

 

*Lexique pour Maman :

- « sold out » : tout vendu, complet

- line-up : composition du groupe (membres)

- « farewell » : adieu

- heavy, en anglais : lourd. Abréviation pour heavy metal, la version la plus traditionnelle du métal.

- headbanger, headbanging : secouer la tête (et les cheveux) de haut en bas devant soi, en écoutant du métal.

- setlist : programme des chansons jouées lors d’un concert.

- artwork : Création artistique illustrant un album.

Rhapsody au Razzmatazz (avec Beast in Black)
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Thème Magazine -  Hébergé par Overblog