Pyrenean Warriors Open Air 2018

Pyrenean Warriors Open Air 2018

            Se rendre à un festival pour la première fois, ce n’est rien moins que découvrir un tout nouveau microcosme. Un festival a ses sons et ses bruits, bien évidemment, il a ses codes visuels, ses odeurs (je reconnaîtrais celle du Hellfest entre toutes) et ses goûts, mais surtout, son esprit.

         À Torreilles (66), Pyrenean Warriors, c'est une bonne odeur de four à pizza, d’huiles essentielles et de cigarillos ; quant au son, au visuel et à l’âme, ils vont de pair. Quelques écoutes préalables m’avaient permis de m’apercevoir que la prog’ était très cohérente autour d'une identité : métal des années 80 et nostalgique de cette époque. Hair*, glam* et compagnie. Ce n’est pas mon domaine de prédilection mais bonne nouvelle pour mon cher et tendre, peu friand de mes goûts plus extrêmes.

            Seuls deux des groupes à l’affiche, Ambush et Grim Reaper, voyaient un de leurs titres déjà épinglé dans mes playlists. Pour les autres, le désert. Qu’à cela ne tienne : on me dit “métal près de chez moi”, j’accours !

            Venons-en à nos yeux : tout juste arrivés sur place, ils sont frappés 1. par la beauté du site, un champ côtoyant une chapelle en pierres magnifiquement conservée, bordée d'une pinède où une centaine de tentes de festivaliers trouve place, 2. par oh my god mais nous nous sommes trompés d’époque ! Leggings (on disait caleçons) à motifs ou pattes d’eph’, cartouchières et chaînes à la ceinture, cheveux longs de préférence bouclés avec une frange, bandanas, et même moustaches ! Je dirais bien que je n’avais pas vu ça depuis bien longtemps mais, étant donné mon jeune âge, il serait plus juste de dire que je n'ai pas de souvenirs de cette époque révolue. Mais le plus drôle c'est que beaucoup des chevelus qui m’entourent ne sont pas plus vieux que moi !

          Nos oreilles repèrent chez nombre de festivaliers – généralement les plus outrageusement rétros ! – un idiome ibérique. Preuve de plus que le métal ne connaît pas de frontières. Il est frappant de constater à quel point les cheveux très longs confèrent tout de suite aux Espagnols des airs d’Amérindiens.

            Dès l’arrivée, nos yeux ravis sont aussi sollicités par la présence des musiciens à l’affiche de cet après-midi qui promènent leur matériel et leurs dégaines au milieu des festivaliers. Facette ultra plaisante (surtout pour nous) de ce petit festival… les artistes sont même obligés de côtoyer les festivaliers aux urinoirs !

            Question musique, le style est homogène mais on ne peut pas en dire autant des prestations. Nous arrivons alors que Citadelle achève la sienne – ce sera pour une prochaine fois… Ils sont suivis d'un groupe belge (non francophone) nommé Scavenger. La musique et l’énergie sont satisfaisantes et c'est plaisant de voir une femme sur scène (au chant, comme souvent). En revanche, sa voix porte très peu et supporte mal la scène… Nous croiserons régulièrement les dread-locks blond platine de ce petit bout de femme parmi le public tout le reste de la soirée.

            Le groupe suivant me convainc davantage : ce sont les Italiens de Sign of the Jackal, et là encore, la vocaliste est une femme. Celle-là a du coffre et une attaque de voix râpeuse comme on les aime. La musique est punchy à souhait : je suis emballée.

            Le temps d’une petite pause bière-coca, nous découvrons l’harmonie familiale qui règne parmi les organisateurs au t-shirt rouge : à l’image des festivaliers, ils ont environ 10 à 60 ans, et fourmillent joyeusement.

            Justement, les vieux de la vieille de Venin sont là pour nous causer en français, ce qui est fort sympathique même si la musique est trop old school pour moi.

            Arrive enfin le groupe que j'ai le plus envie de voir, Ambush (Sweden), surtout depuis que j’ai vu passer (et repasser) ses membres en long et en large de la zone du festival. Entre vingt et trente ans, ils sont on ne peut plus blonds et d'une décontraction innée ; vraiment très… Suédois ! Et je dois dire que sur scène… c'est, de loin, le meilleur groupe de cette édition. Le chanteur est une pile, torse nu, vêtu d'un legging bleu électrique et portant fièrement sa moustache, il avale des litres de bière en chantant d'interminables notes tenues à la Bruce Dickinson. Les musiciens respirent la bonne humeur, ne cessent de se coller les uns aux autres pour des solos endiablés teintés de cette camaraderie tactile ambigüe typique du glam des 80’s. Le show est maîtrisé et laisse vraiment un goût de reviens-y !

            Pour la suite, Oz n'est pas mauvais musicalement mais l’ambiance scénique n’y est pas : on sent les musiciens multigénérationnels très distants entre eux et avec le public, à l’exception du sympathique chanteur qui rame tout ce qu'il peut pour créer du lien – mais maladroitement ! on ne lui a jamais dit que les Français ne pigent pas un mot d’anglais (et les Espagnols guère mieux)... Mêmes tirades interminables qui tombent à plat, deux shows plus tard, pour le vocaliste de Medieval Steel. Le temps de manger un bon petit wrap, nous passons allègrement sur Attacker dont l’écoute préalable m’avait franchement déplu… Medieval Steel en revanche est validé par mon barbu épisodiquement métalleux : “c'est le groupe le plus entraînant de la prog, ça s’écoute bien (mais on fera abstraction de la wannabe cotte de mailles du bedonnant chanteur…)”.

            Dommage que la soirée se termine sur la déception de la tête d’affiche Grim Reaper – ce n'est que mon avis, mais ils auraient dû s’arrêter avant… Avant que le frontman* ne soit passé du chant à un beuglement désagréable qui ne nous retient pas plus d’un quart d'heure… C'est tout le risque encouru par ce festival au créneau 80’s bien marqué ; et finalement, les réussites, ce sont les groupes de jeunes nostalgiques (Ambush, Sign of the Jackal) ou du moins ceux qui ont su faire entrer dans leurs rangs du sang neuf (l’excellent bassiste de Medieval Steel, le motivé chanteur d’Oz).

            Les temps moins forts m’ont permis d’observer un peu les interactions des membres (encore plus majoritairement masculins que sur d’autres fest’, 80’s obligent) du public. Sur Oz, on a pu faire un petit mosh* modeste mais convivial (malgré la présence, là encore plus dense que d’ordinaire, de mecs trop bourrés pour faire trois pas…). On se tape dans le dos, on va chercher des bières pour son voisin, on lui allume même un cigarillo en évoquant un bon vieux concert de l’époque… Mais heureusement la fameuse camaraderie virile s’est départie de son machisme méprisant et veut bien mosher* ou plaisanter avec moi.

            Dernier plaisir des yeux, croiser le so cute** (ou knjut ? pour un Suédois !) Adam “Ace”, grand, blond et chevelu guitariste d’Ambush à la recherche de compagnie (sorry, I’m married !!!) ; je ne peux m’empêcher, en le voyant retourner backstage* seul pour refaire le monde avec son chanteur tout aussi bredouille, de penser au réjouissant livre allemand Haarweg zur Hölle** lu l’été dernier, qui narre les tribulations – véridiques – d'un lycéen musicien dans les années 80, qui choisit de fonder un groupe de hair metal* dans l’espoir illusoire de séduire les filles, aidé de force maquillage, paillettes et cheveux permanentés comme ses héros de Van Halen et Mötley Crüe…

            Enfin, homme ou femme, en couple ou en famille : venez aux Pyrenean Warriors ! L'authenticité est garantie.

 

*Lexique pour Maman :

- hair(-metal), glam(-metal) : Sous-genres du métal nés et principalement pratiqués dans les années 80, proches du hard-rock, caractérisés par des refrains accrocheurs, des thèmes souvent machistes et des travestissements extravagants.

- frontman, front-woman : littéralement "l'homme/la femme qui est devant", leader du groupe, presque systématiquement le chanteur/la chanteuse.

- mosh pit (mosher, mosheu.r.se) : proche du pogo, « danse » musclée qui se forme dans un cercle à quelques mètres de la scène, où les participants se jettent épaules et bras en avant, les uns contre les autres.

- backstage : l’arrière-scène, la zone réservée aux artistes et aux invités d’un concert.

 

**Traduction :

- so cute : si mignon

- Haarweg zur Hölle : trad. littéralement « Chemin chevelu vers l’Enfer », allusion probable au « Stairway to Heaven » (Escalier vers le Paradis) de Led Zeppelin qui a également inspiré le nom de ce blog...

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K
Très bien itou!!
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